CHAPITRE 20

Quelle est la différence entre un Ewok et un Wookiee ? À peu près deux cents kilos !

 

Jacen Solo, quinze ans

 

La dernière chose qu’un commando de la GAG en poste à bord de l’Anakin Solo aurait voulu voir en ce moment était un escadron de StealthX Jedi fonçant sur le hangar déjà détruit par les combats et que l’on lui avait ordonné de défendre. Han en était quasi certain. Et il était absolument sûr qu’il ne voudrait pas voir le Faucon Millenium les suivre, pas après l’annonce que venait de faire Tenel Ka... pas alors qu’il y avait des Moffs Impériaux parmi ceux qu’il devait défendre.

À cause des canons des StealthX qui tiraient et les défenseurs de la GAG qui répliquaient depuis chaque écoutille et chaque recoin, le hangar n’était déjà qu’une grosse éruption. Mais cela n’empêcha pas Han d’envoyer toute une cargaison de missiles à concussion sur la cabine de contrôle, pas plus que Leia d’orienter les canons à blasters du Faucon sur tous ceux qui portaient un uniforme noir.

La conflagration s’évanouit rapidement à mesure que Han et les Jedi éliminaient les armes lourdes des défenseurs. À l’unisson, les StealthX se posèrent sur le pont et ouvrirent leurs verrières. En sortirent des dizaines de Maîtres Jedi emmenant cinquante Chevaliers Jedi bondissant et tourbillonnant tandis que leurs sabres laser renvoyaient des tirs de canons vers leurs agresseurs. Han laissa le Faucon assez haut pour que Leia et leurs deux canonniers – Jagged Fel et un apprenti du nom de Derek – puissent les couvrir.

Luke et les autres Maîtres menèrent l’assaut jusqu’à l’arrière du hangar. Placés au bout de la pointe formée par les Jedi, ils projetaient et repoussaient avec la Force tous les soldats de la GAG assez idiots pour les prendre pour cible. Une équipe de tireurs d’élite se mit à les viser depuis les ruines fumantes de la cabine de contrôle ; Saba Sebatyne tendit une main griffue et ils volèrent sur le pont, la tête la première. Un E-Web retardataire ouvrit le feu depuis l’intérieur d’une grille de ventilation ; Kyp Durron fit un geste du doigt, comme s’il tapotait quelque chose, et le canon se tordit, faisant exploser l’arme. Une section de commandos de la GAG en armure noire se précipita par une écoutille en tirant à coup de blasters T-21 à répétition ; Luke jeta un coup d’œil à une navette proche et l’envoya sur leur chemin.

Derrière les Maîtres venait le reste des Chevaliers Jedi, plus nombreux et déployés en équipe de deux ou trois, sécurisant les écoutilles, désarmant des combattants parfois vraiment tenaces qui refusaient de se rendre, prenant le contrôle de composants essentiels dont le champ de retenue et le système de ventilation. Rapidement, les Jedi s’emparèrent du hangar et les rares commandos de la GAG qui n’étaient pas déjà morts ou qui ne s’étaient pas rendus fuirent ou jetèrent leurs armes.

Han posa le Faucon, retira ses sangles et se retourna vers Leia. Elle regardait déjà à travers la vitre avant, concentrée sur quelque chose se trouvant au-delà et elle avait un regard particulier que son mari redoutait. Le cœur de Han se serra et son corps tout entier faiblit. Il n’avait vu ce regard que deux fois, la première lorsque Anakin était mort et la seconde lorsqu’elle avait cru que Luke avait rendu l’âme. Et depuis le début de la traque de Jaina, il n’avait cessé d’être terrifié à l’idée de le revoir. Il ne savait pas s’ils le supporteraient, si Leia et lui étaient assez forts pour supporter la perte de leur dernier enfant. Incapable de rester assis et de poser la question à Leia, Han se tourna vers son panneau de contrôle de missiles et commença à entrer un nouvel ensemble de spécifications.

— 3-PO, va charger le missile de baradium.

— Le missile de baradium, capitaine Solo ? demanda le droïde depuis le poste de navigation derrière lui. Je ne crois pas que le plan de Maître Skywalker requière un missile de baradium.

— En effet, dit Han. Tu as entendu l’annonce de Tenel Ka. Ils ont tué Allana. Si Jaina est morte elle aussi, aucun de ceux qui ont pris part à ça ne va quitter ce...

Han sentit la main de Leia sur son bras et ne termina pas sa phrase, mais il ne leva pas les yeux. Il avait trop peur.

— Han, il faut se dépêcher. (Un cliquetis s’éleva du siège du copilote lorsqu’elle détacha ses sangles.) Jaina est encore en vie.

La gorge de Han se serra.

— Encore ?

Il ne savait pas s’il devait soupirer ou retenir son souffle jusqu’à ce que son cœur se remette à battre, mais il se leva pour partir et c’est alors qu’il vit que Leia avait toujours le Regard.

— Leia ? demanda-t-il. Que...

— C’est Jacen, dit-elle avant que sa voix se brise et qu’elle prenne la main de son mari. Jaina l’a eu.

 

Lorsque la porte de la fosse à ordures s’ouvrit, Jaina était toujours assise par terre à l’endroit où l’ombre rejoignait la lumière, tenant la tête de Jacen sur ses genoux et chuchotant qu’il n’était pas vraiment mort, qu’il aurait toujours une place dans son cœur à présent qu’elle pouvait de nouveau sentir leur lien de jumeaux.

Sauf que Jaina ne chuchotait pas vraiment ces paroles. Elle ne les pensait même pas vraiment. Elle les imaginait, plus vraisemblablement elle les ressentait. Elle était plus témoin de ses pensées qu’à leur origine, perdue dans ce non-monde brumeux d’angoisse qui n’existait que dans l’étroite marge entre l’état d’éveil et la mort.

Ainsi lorsque Jagged Fel se précipita dans la fosse à ordures en hurlant qu’il l’avait trouvée, qu’ils devaient se dépêcher, elle n’était pas vraiment certaine de ce qu’elle voyait. Elle se disait qu’il était peut-être venu les rejoindre, elle et Jacen, et cela la rendait un peu triste, sans qu’elle sût trop pourquoi.

Puis Jag s’agenouilla à ses côtés et tenta d’écarter Jacen, ce qui la mit en colère. Elle le repoussa avec la Force en lui criant ce qui aurait dû être Ne le touche pas, mais qui sortit de sa bouche ainsi : Ltouch’p.

Courageux, Jag se releva et se rapprocha, plus lentement. Cette fois, il n’essaya pas de lui retirer Jacen. Il se contenta de s’agenouiller à ses côtés, lui fit une piqûre de stimulant et lui prit la main.

— Les secours sont en route, Jaina, dit-il. Tu vas t’en sortir.

Elle n’était pas certaine de le croire, mais elle lui serra tout de même la main. Lorsque le stimulant fit effet et qu’elle reprit un peu connaissance, elle commença à se rappeler tout ce qu’elle ne terminerait pas si elle ne s’en sortait pas ; et peut-être même aussi si elle s’en sortait.

— Fais quelque chose... pour moi ? demanda-t-elle.

— Tu vas t’en sortir, dit Jag. Je te le jure.

— Tu ne peux pas le promettre. (Jaina aurait bien souri, mais sa joue écorchée lui faisait trop mal et sa bouche, ou plutôt son visage tout entier, ne semblait pas fonctionner correctement.) Et j’ai encore besoin... que tu...

— Bien sûr, dit Jag. Tout ce que tu veux.

— Trouve Zekk.

Le visage de Jag se décomposa.

— D’accord, dit-il. Dès que les médecins seront là, j’irai lui dire...

— Non, souffla Jaina. Il a disparu. Touché durant l’attaque des StealthX.

— Oh, dit Jag l’air encore plus tourmenté, une des raisons pour lesquelles Jaina l’aimait. Nous le trouverons. Ne t’en fais pas.

— Je suis obligée de m’en faire.

— Je vais m’assurer que Maître Skywalker est au courant, dit Jag. Nous allons le trouver.

S’il peut être retrouvé, se dit Jaina, en ajoutant en silence la condition sine qua non des missions de sauvetage. Elle lui serra de nouveau la main.

— Merci.

— Inutile de me remercier, dit Jag. Zekk est un homme bon.

— Pas pour... Zekk. (Jaina secoua la tête et regretta de l’avoir fait lorsqu’une douleur bouillante explosa dans son cou.) Pour être arrivé ici le premier. Je suis contente que ce soit... toi.

— Moi aussi, dit Jag, plus inquiet que ravi. Mais tiens bon. Les secours arrivent.

Jaina acquiesça, mais dit :

— Autre chose... Mirta Gev.

Jag haussa un sourcil.

— Oui ?

— Là-haut. (Malgré le stimulant, Jaina avait du mal à parler et ses pensées redevenaient confuses.) Vivante. Va la... chercher.

Jag hocha la tête.

— Je vais m’assurer que ce soit fait.

— Pas quelqu’un de lent, le prévint Jaina. Elle a des... fusils blasters.

— Rien de surprenant, dit une voix suffisante et familière. C’est une Mandalorienne, pas vrai ?

Jaina leva les yeux et vit ses parents se précipiter vers elle. Leurs yeux étaient cernés de rouge et leurs visages pâles, mais son père faisait de son mieux pour avoir l’air suffisant et confiant, tandis que sa mère tentait – sans succès – de cacher son angoisse derrière un vernis de calme.

En s’approchant et en voyant la tête de Jacen posée sur les cuisses de Jaina, ils finirent par arriver au bout de leurs réserves de sang-froid. La lèvre de son père se mit à trembler et la tristesse mouilla les yeux marron de sa mère. Ils s’agenouillèrent à côté d’elle en essayant de ne pas regarder le cadavre de leur fils, mais ne purent se retenir, et l’émotion les empêcha de parler.

Quelques secondes plus tard, sa mère sortit une attelle à air comprimé du médisac dans ses mains et immobilisa le bras cassé de Jaina tandis que son père trouvait une boîte de steriapaisant et en aspergeait prudemment ses brûlures. Ces tâches parurent les aider à se concentrer et ils se commencèrent à serrer affectivement son épaule et son bras indemnes.

À un certain niveau, Jaina savait qu’ils tentaient sans doute de la rassurer, de lui faire savoir que rien n’avait changé entre eux. Mais évidemment, c’était impossible. Jaina était devenue le Sabre des Jedi, avec tout ce que cela impliquait.

 

Tu seras toujours au premier rang, une marque brûlante pour tes ennemis, un feu brillant pour tes amis. Tu n’auras pas de repos et ne connaîtras pas la paix, même si tu es bénie pour la paix que tu apportes aux autres. Console-toi du fait que, bien que tu doives rester forte et seule, les autres s’abriteront dans l’ombre que tu projetteras.

 

Ainsi avait parlé Luke lorsqu’il avait fait de Jaina un Chevalier Jedi et telle était devenue Jaina. Ce n’était pas une destinée qu’elle aurait choisie, mais qui pouvait réellement choisir ? Elle doutait que son frère ait prévu de finir là, mort dans les bras de sa sœur.

Lorsque son dos fut recouvert de steriapaisant, son père sembla enfin trouver la force de parler.

— Comment vas-tu, ma fille ?

— Aussi bien... que j’en ai l’air, répondit Jaina. Et c’est pareil... à l’intérieur.

Son père acquiesça.

— Oui, moi aussi, dit-il avant de regarder vers la porte où Cilghal venait d’arriver avec deux jeunes Chevaliers Jedi poussant une civière flottante. Mais tu vas devoir tenir le coup, hein ? Je ne sais pas si on y arrivera sans toi.

— D’accord, dit Jaina en regardant sa mère. Vous deux ensemble... rien ne pourra vous séparer.

Sa mère eut un sourire triste.

— Peut-être pas, dit-elle en reculant pour que Cilghal et ses assistants puissent commencer à travailler. Mais j’en ai vraiment assez que les événements essayent de le faire. Alors écoute ton père.

 

Les stormtroopers de la Garde d’Élite savaient sans doute qu’une section ne pouvait résister face à autant de Maîtres Jedi. Mais on leur avait ordonné de tenir de Centre de Commandement Auxiliaire de l’Anakin Solo à tout prix et il y avait des hommes courageux dans les deux camps. Alors ils essayèrent.

Et ils périrent.

Lorsque ce fut terminé, la fumée dans le couloir était si dense que Han parvenait à peine à voir les cadavres qu’il devait enjamber. Il avait les yeux humides et les mains tremblantes, mais davantage à cause de la colère qu’il ressentait que de l’odeur acre des armures fondues et de la chair carbonisée. Il n’avait pas besoin de regarder sous leurs casques pour savoir que les hommes jonchant le pont étaient dans la fleur de l’âge, certains à peine plus âgés qu’Anakin lorsqu’il avait péri face aux Yuuzhan Vong et la plupart plus jeunes que Jaina... et que Jacen.

Han arriva au bout du couloir, où Luke, Saba, Kyle et les autres Maîtres se trouvaient devant une immense porte anti-explosion. Il s’arrêta à côté de Jag Fel et se frotta le visage d’une main. Leia avait quitté le vaisseau pour aller dans le centre de soins du Dragon de Guerre avec Jaina et Cilghal. Han ne devait compter que sur lui-même pour se calmer. Lorsque Cilghal avait annoncé que Jaina était assez stable pour pouvoir être déplacée, il avait insisté pour rester avec Luke et affronter les hommes responsables de la mort de sa petite-fille.

Mais Han commençait à douter de cette décision. Il devenait incontrôlable et dangereux et – malgré l’assurance de Cilghal que Jaina ne risquait plus rien pour le moment – il ne pouvait s’empêcher de penser à elle. Il ferma les yeux et tenta de se calmer avec une technique de respiration Jedi que lui avait apprise Leia.

Cela ne fonctionna pas. Ses mains continuèrent à trembler et ses yeux devinrent encore plus humides.

Il finit par abandonner et dit :

— Ça me rend malade.

Jag le regarda puis sortit un petit tube d’une poche de sa ceinture d’équipement.

— J’ai un masque à gaz si ça peut vous aider.

— Pas l’odeur, dit Han en désignant d’un geste le tapis de soldats morts derrière eux. Ça. À quoi ça sert ? Ce n’est pas comme si quelqu’un pouvait encore les sauver.

Jag examina le carnage en réfléchissant. L’assaut terrestre sur Shedu Maad avait échoué quand Tahiri s’était rendue à Ben et les membres de l’équipage de l’Anakin Solo qui n’était pas passé avec les Jedi dans la dernière demi-heure étaient soit morts, soit en route pour des salles de détention à la surface. Les Moffs n’avaient aucune chance d’obtenir des renforts provenant d’ailleurs que du vaisseau. Avec les Dragons de Guerre qui retournaient en espace réel toutes les deux minutes lorsqu’ils parvenaient à se désengager du Megador, le combat spatial tournait clairement en faveur de la coalition des Jedi. Jag finit par hocher la tête et dit :

— Mon père disait qu’il était plus facile d’obliger un Moff à supprimer des vies qu’à dépenser de l’argent. Ça semble aussi vrai pour les Vestiges que ça l’était pour l’Empire.

Une suite de bruits énormes s’éleva de l’autre côté des portes anti-explosion. Han regarda Luke qui levait une main et la porte s’ouvrit doucement. Sur le seuil, un bout d’un des tubes de trente centimètres destinés à verrouiller la lourde porte dépassait.

— Incroyable, souffla Jag.

— Ouais, convint Han. Maintenant tu sais qui appeler si tu as besoin de déplacer une montagne.

Dès que la porte fut assez ouverte pour qu’on puisse entrer, Saba traversa, suivi de près par Kyp, Kyle, Corran et les autres Maîtres. Retentit alors une courte rafale de blasters et des cris de surprise puis, lorsque Han et Jag entrèrent, tout était redevenu silencieux.

Han fut déçu de ne pas trouver les Moffs étendus raides morts lorsqu’il pénétra dans la salle. Ils étaient tous assis autour d’un écran tactique qui n’affichait que des parasites de la Brume. Certaines cachaient de la main les blessures sur leurs épaules, mais la plupart regardaient leurs genoux avec des expressions allant de la peur à l’indignation. L’un d’entre eux, un jeune homme au bouc noir et à la tête rasée, était étendu par terre, en deux morceaux fumants.

Saba, Kyp et Kyle se tenaient autour de la table derrière les Moffs, leurs sabres laser éteints à la main. Les autres Maîtres étaient en train d’arrêter l’équipe de commandement de Caedus. Han se surprit à serrer si fort son blaster qu’il crut qu’il allait craquer, mais il résista à la tentation de lever la main et de tirer. Avec tous les Maîtres présents, ses tirs seraient de toute façon déviés.

Luke finit par entrer dans la pièce et se dirigea droit vers la table.

— Comme vous devez déjà sans doute le savoir, Dark Caedus est mort.

Les Moffs poussèrent un murmure affirmatif ; certains semblaient inquiets, mais aucun n’était triste.

— Bien. Il vous reste donc deux choix, dit Luke. Le premier est le suivant : vous devenez des prisonniers de guerre des Hapiens et êtes jugés pour crimes de guerre suite à votre attaque par nanotueur contre la famille royale.

Plusieurs Moffs pâlirent, mais l’un d’entre eux, un homme au visage sinistre et aux cheveux gris acier, parut soulagé.

— Cela ne me semble pas très attirant, dit-il. Quelle est la deuxième solution ?

Luke se retourna et examina l’homme un instant avant de dire :

— Honnêtement, Moff Lecersen, ma seconde proposition me rend malade. Mais nous avons besoin du soutien des Vestiges, et de sa flotte, pour mettre fin à cette guerre. Le moyen le plus facile d’y parvenir est d’inviter le Conseil des Moffs à nous rejoindre pour reformer l’Alliance Galactique.

Un murmure de soulagement fit le tour de la table, mais Lecersen parut alors inquiet, la suspicion lui faisait plisser les yeux.

— Cela me paraît plus que généreux, Maître Skywalker, dit-il. Quelle est la contrepartie ?

Luke demanda, d’un geste, à Jag de s’avancer puis le poussa face au bout de la table.

— Lui, dit-il. Je peux vous livrer aux Hapiens ou bien à quelqu’un qui vous laissera vivre tant que vous obéirez.

La plupart des Moffs, troublés, se renfrognèrent, mais Lecersen se pencha en avant et examina le visage de Jag un moment.

— Vous n’êtes pas un des fils de Soontir Fel ?

— C’est exact. Je suis Jagged Fel.

— Je vois. (Lecersen s’adossa de nouveau en considérant Luke puis Jag.) Vous pensez en être capable, fils ?

Jag fronça les sourcils.

— Capable de quoi, Monsieur ?

Luke répondit :

— De prendre la place de Pellaeon. Régir le Conseil des Moffs, au moins le temps que la crise actuelle prenne fin.

— Vous nous feriez une faveur, commandant Fel. Du bon sang impérial coule dans vos veines et l’autre option... (Lecersen se tut et regarda autour de la table pour adresser le reste de sa phrase aux autres Moffs.) ... hé bien, ressemble davantage à une longue et désagréable incarcération suivie par une mort encore plus désagréable.

Un éclat sembla apparaître dans les yeux de plusieurs Moffs et ils se mirent à acquiescer, enthousiastes. Mais Jag paraissait aussi abasourdi par tout ça que Han et il resta à la table, les sourcils froncés, essayant de comprendre les implications de ce que proposait Luke.

Il finit par se tourner vers ce dernier.

— Pourquoi me lancer là-dedans ? demanda-t-il. J’aurais bien aimé avoir du temps pour y réfléchir.

— Pour toi, dit Luke en hochant la tête. Mais je voulais bien faire comprendre aux Moffs qu’il ne s’agit pas de quelque chose que tu avais prévu, que tu leur rends service et que tu ne cherches pas le pouvoir.

— Et que vous rendez aussi service à la galaxie, ajouta un Moff au visage rond, aux yeux de fouine et au double menton. Sans notre soutien, la coalition Jedi aurait des difficultés à convaincre Bwua’tu et ses camarades amiraux qu’ils ont rejoint l’Alliance Galactique.

— Et avec nos flottes, l’Alliance aura la puissance nécessaire pour obliger la Confédération à rejoindre la table des négociations, ajouta un autre Moff. Vous pourriez mettre fin à la guerre, commandant Fel.

Jag poussa un soupir et les entrailles de Han se nouèrent.

— Vu sous cet angle, dit Jag d’une voix forte, mais dépourvue d’enthousiasme, je n’ai vraiment pas le choix.

Lecersen sourit, puis se leva et commença à tendre la main à Jag, mais c’en était trop pour Han. Il s’avança rapidement entre eux puis se retourna face à Luke.

— C’est tout ? demanda-t-il. Tu vas simplement les laisser changer de camp ?

— C’est ce qu’il y a de mieux pour la galaxie, Han, dit Luke. (Malgré la pointe de chagrin dans ses yeux, son visage resta calme.) Mais si tu veux parler d’un sujet...

— Tu as foutrement raison, je veux parler de quelque chose, dit Han avant de se tourner vers la table, son blaster toujours à la main. Qui a eu l’idée d’introduire le nanotueur à bord du vaisseau amiral de Tenel Ka ?

La plupart des visages des Moffs passèrent du choc ou de la peur au soulagement. Mais l’un d’entre eux, à la mâchoire carrée, à l’allure militaire et aux yeux bleus et froids, eut l’air inquiet ; surtout lorsque les autres tournèrent la tête vers lui.

Han s’approcha de la table et appuya le canon de son blaster contre sa tête.

— Comment vous appelez-vous ?

Han ne savait pas en quoi cela importait. Peut-être qu’il gagnait du temps parce qu’il ne voulait pas tuer un homme – même un tueur d’enfants – de sang-froid, ou peut-être parce qu’il ne voulait pas faire échouer l’accord de paix pour accomplir sa vengeance personnelle. Mais comment pouvait-il laisser cet homme – ou même les autres Moffs – s’en tirer avec ce qu’ils avaient fait à Allana ?

— C’était votre idée ? reprit-il.

— Qu’en avez-vous à faire ? (Pour quelqu’un qui avait un blaster braqué sur la tête, il était étonnamment calme.) Mes « amis » ont convenu de me faire porter le chapeau. Alors allez-y s’il le faut...

Han retira le cran de sécurité. Comme personne n’essayait de l’empêcher de tirer, il regarda, autour de la table, les Maîtres qui le regardaient tous les mains jointes.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-il. Vous allez me laisser tuer ce type ?

— C’est votre choix, dit Saba. Celle-ci ne croit pas que cela gênera notre accord de paix. Il resste beaucoup de Moffs. Tuez-en deux.

Han commença à se sentir plus idiot qu’en colère. Il regarda Luke.

— Toi aussi ?

Luke haussa les épaules.

— Un Moff ne manquera à personne, pas après toutes les tueries qui ont eu lieu ici, en tout cas, dit-il. Alors vas-y ; si ça peut t’aider à te sentir mieux.

C’était bien le problème. Cela ne l’aiderait pas à se sentir mieux. Il n’y avait pas qu’un seul Moff coupable d’avoir envoyé le nanotueur aux trousses de Tenel Ka, mais ils l’étaient tous. Ainsi que les soldats qui l’avaient introduit à bord du Reine Dragon. Et les scientifiques qui avaient développé ce foutu truc avant eux.

Han y réfléchit un instant puis regarda Luke.

— Je ne crois pas qu’un seul va me suffire, dit-il. Combien m’en laissez-vous ?

Un frisson d’anxiété traversa la table, surtout lorsque Luke réfléchit à la question pendant un instant et demanda :

— Bon, combien crois-tu qu’il t’en faudrait ?

Han vit à l’éclat dans les yeux de Saba, Kyle et Kyp qu’ils savaient aussi bien que lui que Luke ne le laisserait tuer aucun Moff ; qu’ils savaient depuis le début qu’il ne tuerait personne et qu’ils lui avaient laissé le temps d’arriver à cette conclusion lui-même.

Han laissa les Moffs mariner encore un peu puis finit par baisser son blaster.

— Sans doute plus que tu ne peux m’en laisser. (Il se tourna vers Jag.) Mais ils doivent payer pour ce qu’ils ont fait. Peut-être faut-il monter une mission pour aider les mondes dans la pauvreté ou quelque chose comme ça ; une mission vraiment généreuse.

Lecersen se renfrogna.

— Je ne sais pas si nous avons assez de ressources pour...

— Je trouve que c’est une excellente idée, l’interrompit le Moff que Han menaçait. Et j’espère que vous me suivrez et serez un des plus gros contributeurs, Moff Lecersen, étant donné que vous êtes celui qui a suggéré la méthode de livraison.

Le visage de Lecersen pâlit.

— C’est un argument convaincant.

— Bien, dit une voix familière dans l’embrasure de la porte. Je suis sûre qu’Allana serait honorée qu’une telle mission soit entreprise en sa mémoire.

Han se tourna en même temps que tous les autres et découvrit Tenel Ka qui entrait à grands pas dans la salle. Elle était vêtue comme une reine guerrière et portait une combinaison de vol d’eletrotex opalescent et un sabre laser à la main. Han lui-même sentait la rage qu’elle contenait à peine, mais elle paraissait tout de même mieux contrôler ses émotions que lui.

Tenel Ka s’arrêta à ses côtés et hocha la tête face aux saluts qu’elle reçut de tous, à l’exception des Moffs.

— Merci, capitaine Solo, pour l’avoir suggéré et pour ne pas avoir gâché une rare chance de mettre fin à cette guerre.

Han écarquilla les yeux de surprise.

— Vous acceptez de les laisser partir ?

— Non, je n’accepte pas leur trahison et ne l’accepterai jamais. Mais je suis reine. Je ne peux pas faire passer mon désir de vengeance personnel avant mon devoir de mettre fin à cette guerre. (Tenel Ka lança un regard glacial aux Moffs.) Et c’est, Messieurs, la seule raison pour laquelle vous restez en vie. Je vous suggère de ne plus jamais tester ma tolérance à l’avenir.

Les Moffs hochèrent tous la tête et Lecersen lui-même s’inclina.

— Nous ne le ferons pas, Votre Majesté, dit-il. Le Conseil s’excuse sincèrement pour son imprudence.

— Ce n’était pas une imprudence, Moff, dit Tenel Ka. Et si une telle chose se reproduit, ce ne sera pas après le Conseil que nous nous lancerons.

Tenel Ka tourna les talons, le visage encore rouge de colère, puis partit vers la porte.

— Venez avec moi, capitaine Solo, dit-elle en lui faisant signe de la suivre. Je dois vous dire quelque chose d’important.